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Extrait de "Embarqué(s) !" 2/2

En 2014 est paru (Editions du Lau) mon second roman, intitulé "Embarqué(s) !".

Le personnage principal, un photo-reporter, se démène tout au long du récit pour mener à bien son reportage...

Un ouvrage plein d'action, dont voici un petit extrait !

Le roman, préfacé par le reporter de guerre Patrick Chauvel, (Sky, Ceux du Nord...) a été sélectionné pour le prix Encre Marine 2014.

Je vous avais présenté, dans un précédent billet, le résumé du livre, et dans un autre sa genèse...

Format du livre : 13x20cm Nombre de pages : 216 ISBN : 978-2-84750-269-5 EAN : 9782847502695

Le roman existe en version papier véritable... et au format Kindle.

L'extrait

Chapitre 1

Les cris résonnaient, les armes crépitaient. - Tu l’as eu, ton scoop, pas vrai ? aboya Roey. Aron Catalys, son appareil photo à la main, restait muet. Les dents serrées, la conscience secouée par ce qu’il venait de photographier, il courait. Avait-il vraiment assisté à cette scène ? Ces hommes avaient-ils été vraiment exécutés sous ses yeux ? À bout de souffle, la peur au ventre, il talonnait les soldats galopant devant lui. L’étroit couloir, obstrué d’une fumée âcre, se profilait. À ses côtés, la silhouette rustaude du caporal Roey Leeland dont les yeux luisaient dans la pénombre. Sa mâchoire prononcée fendait l’air avec une incroyable détermination. L’incendie, initié au sein d’une conduite, faisait vibrer les pupilles. La première étincelle avait surgi suite aux tirs échangés dans les fondations de la gigantesque structure. Le feu s’était propagé plus vite qu’une traînée de poudre. Le bruit des poutres s’effondrant aux niveaux inférieurs et la lumière aveuglante des flammes lui avaient fait perdre la notion du temps. Ses repères dans l’espace étaient anéantis. Ses poumons traquaient la moindre particule d’air avec l’instinct acéré du tigre en chasse. Le photographe luttait contre la panique.

Très vite, la chaleur insupportable du brasier sépara le groupe de son point de retraite et la section, égarée dans le labyrinthe de béton et de fer, cherchait son chemin au hasard entre coursives étroites, ponts extérieurs et containers entreposés. Le crachement des armes avait diminué peu après le début de l’incendie. Lorsque le vrombissement de la sirène secoua tout l’édifice, le lieutenant Izot Astosa avait alors tranché : évacuation. Se tirer d’ici, voilà le but.

Les fumerolles tourbillonnantes masquaient les poursuivants, si toutefois il en restait. Les rafales agressives d’une arme crachaient parfois encore à l’arrière. Les impacts répétés des balles angoissaient Aron. C’était Masao qui vidait son chargeur. À l’aveugle, il défouraillait dans le rideau de fumée. Soudain, l’air libre. Le ciel. Les nuages bas. La tempête.

Les membres contractés, Aron découvrit, à travers les verres encrassés de ses lunettes, l’ampleur de l’incendie. L’atmosphère extérieure, la lueur du crépuscule couplée au brasier semblaient être tirées d’une peinture de maître. Les dégradés jouant de l’étincelant jaune orangé au pourpre violet s’en donnaient à cœur joie dans cette immense toile surréaliste.

Les embruns de l’océan giflaient le visage d’Aron. Comment les hommes avaient bien pu bâtir ça, au milieu de nulle part ? Un incroyable défi lancé à la nature. Hypnotisé, Aron fut vite distancé. Le lieutenant Astosa, ainsi que le caporal Leeland, entourés de leurs hommes, poursuivaient leur course. Un dernier soldat bouscula Aron en le dépassant. Personne ne prêtait attention à lui. Il comprit : la plate-forme pétrolière allait sauter. Évacuer avant que tout ne soit pulvérisé. Aron se rua en avant.

Plusieurs réservoirs avaient pris feu. La torchère, au sommet de l’édifice magistral, rouillée aux soudures, crachait une flamme dantesque. L’amas incommensurable de citernes quadrillait les étages superposés de treillis métalliques. Les conduites, encore sous la pression du forage, vibraient à en déboulonner leurs fixations. Même la pile géante de béton sur laquelle reposait toute la structure ne paraissait plus vraiment si compacte. Une colonne de fumée nocive emplissait l’atmosphère, furieusement ventée. Le réseau des immenses tuyaux des différents secteurs tremblait, battait ses amarres. D’épais nuages rasaient les déferlantes de l’océan. L’air froid cinglait la peau, ralentissait les mouvements. Les oreilles sifflaient, contraignant les hommes à ne communiquer plus que par signes et des cris rauques. Les micros fixés aux casques, saturés de poisse, ne fonctionnaient plus. Impossible de savoir si toute la section était là. Aron avait vu Van et le sergent Namkin tomber devant son objectif, mais il ignorait qui d’autre avait été touché, et surtout qui restait. En fin de compte, qui avait tout simplement survécu au carnage. Lui-même avait reçu un projectile au bras. Il regarderait ça plus tard…

Tandis qu’en haut dans le blizzard féroce les structures étaient ballottées, en bas les lames de l’océan s’acharnaient sur les piliers monumentaux. Les éléments alliés cherchaient à couler par le fond cette abominable verrue. L’adrénaline bouillant dans ses veines, Aron s’arrêta. Réaliser encore une ou deux prises, emblématiques. Il chercha son point de vue. Impossible de rater une aussi grande image. Une passerelle : le premier plan idéal. En haut, les différents ponts ceinturés de leurs garde-corps. Le photographe s’accroupit et cadra la scène. Un déclenchement. Un autre, pour doubler. Puis, poussant le bouton vidéo de son boîtier, il filma un plan de quelques secondes durant lesquelles Masao traversa le champ. Il gronda, dégoupilla sa dernière grenade. Son arme brûlante vomit une salve mortelle sur d’éventuels poursuivants. Puis il se pressa de repartir. La déflagration précipita les restes de la passerelle à l’eau, coupant le chemin aux autres, aux terroristes.

Surtout, ne pas trembler, assurer sa prise de vue. Aron regarda sa montre, par réflexe professionnel. Dix-huit heures trente huit. Le lieutenant Izot Astosa, en pointe, remarqua le retard d’Aron. Poussant un juron, il rebroussa chemin, à sa recherche. - Vous voulez mourir ou quoi ? siffla-t-il, une main en porte-voix, l’autre assurant son équilibre contre les bourrasques. Agrippé au garde-corps dont la rouille écaillait la peinture, il lui empoigna sans compromission le bras. Rejetant son appareil photo en bandoulière, Aron ne demanda pas son reste : la tête engoncée dans les revers poisseux de sa veste, il courut. Les explosions produisaient à chaque seconde une secousse plus intense. La plate-forme vacillait. À travers les grilles, les flammes et les écharpes de fumées, il vit plusieurs conduites éventrées, d’où le pétrole se déversait directement dans les eaux déchaînées.

Après une halte, durant laquelle Izot extirpa de ses poches une carte et s’orienta, le groupe bondit en avant. La vedette avec laquelle les militaires avaient débarqué était inaccessible. Ne restait plus qu’à utiliser l’une des embarcations d’évacuation d’urgence. - Par là ! hurla le lieutenant, son doigt pointé vers un enchevêtrement de containers effondrés. Les bateaux stationnaient non loin. Une proximité somme toute relative, pensa Aron.

À cent pas, au premier étage, les espèces de tubes cylindriques apparurent. Trois ou quatre mètres de large pour une dizaine de long. Très peu de hublots. Ils ressemblaient plus à des missiles qu’à des bateaux. L’œil du reporter, malgré ses lunettes sales, perçait les fumées et devinait les proues penchées vers la surface, prêtes à l’éjection. L’orange vif des peintures les transformait en cibles à atteindre avant l’affaissement complet de la plate-forme. Quelques rampes de lancement étaient vides. Ces canots avaient été utilisés par les équipes d’entretien de la station, qui l’avaient déjà évacuée sur l’ordre du lieutenant. D’un regard empreint de félinité, Aron fut submergé par le spectacle grandiose se jouant derrière lui. Voir les flammes s’emparer des niveaux supérieurs l’oppressa. Plusieurs réservoirs dévorés par le feu déversaient leur contenu. Des débris surnageaient entre les tours de la plate-forme et, parmi eux, les restes éparpillés de la vedette. Encore quelques foulées et ils seraient tirés d’affaire. Un tourbillon projeta Aron sur les rambardes d’une passerelle branlante alors que les autres, courant vers les canots, ne se soucièrent plus de lui. L’acier meurtrit ses membres tandis qu’il rattrapa son appareil photo happé par le vide. Les quelques secondes nécessaires à Aron pour ramasser ses lunettes et les remettre sur son nez suffirent pour qu’il ne distingue plus personne. La terreur de ne jamais sortir de ce pétrin l’asphyxia. Une vague de désespoir le submergea. Ses membres se tétanisèrent. Tout en prenant une inspiration pour recouvrer son sang-froid, il observa attentivement autour de lui. Un seul passage s’ouvrait droit devant, à travers les vapeurs. Il s’élança vers l’inconnu, le nez recouvert de sa veste. Une seule pensée bourdonnait comme un glas : tenir bon. Le sol suintant sembla se scinder sous la coursive glissante.

Le ponton d’embarquement et ses canots surgirent soudain. Tous les soldats s’étaient déjà engouffrés dans le plus proche. La porte renforcée du bateau pivota, brutalement refermée par Roey. Tout hurlant, Aron jaillit. Izot, lançant un regard glacé à son caporal, repoussa la porte, attrapa Aron et l’attira à l’intérieur. Surpris, Aron déboula dans la coursive centrale. En relevant la tête, il découvrit plusieurs rangées de sièges, tournés vers l’arrière. Spécialement étudiés pour la sécurité, ils étaient renforcés d’une coque épaisse. Chacun des membres du groupe était assis, sanglé et paré à l’éjection. Aron se traîna, encore étourdi, sur l’un des dossiers, chercha la sangle et le verrou du harnais. Ses mains tremblantes ne parvinrent pas à boucler le cran. Le cliquetis des pièces métalliques l’agaçait. En haut, on cria. La propulsion était imminente. Les militaires firent le dos rond.

Enfin, après un terrible effort de concentration, le verrou d’Aron s’immobilisa dans un claquement rassurant. Il tira sur les sangles et renversa la tête en arrière : prêt. Le canot de sauvetage, encore solidaire de sa rampe, était sacrément secoué. Le toit encaissa la dégringolade d’objets à l’extérieur, devenus les simples jouets de l’apocalypse, mais les protections du canot tinrent bon. L’éclairage du plafonnier s’activa, clignotant à plusieurs reprises avant de se stabiliser. Une lumière bleutée baigna les passagers, tandis que la lueur orangée de l’incendie parvenait à filtrer par les rares et étroites ouvertures, la plupart placées à l’arrière de l’embarcation. Dans un grand fracas, la porte scella le canot. La barre de sécurité s’enclencha dans ses rails. Puis après un bruit sec, le bateau glissa et prit rapidement de la vitesse. Les respirations se suspendirent. Un répit d’un interminable battement de cœur avant de percuter la surface. De cet instant de chute libre, si éprouvant pour les nerfs, se dégagea de la sérénité pour les sens. L’estomac d’Aron se souleva jusque dans la gorge. L’impact fut rude, comprimant avec une violence inouïe, dans leurs sièges, les occupants. Des sacs valdinguèrent, comme surgissant d’une pochette surprise. Seul Izot fut projeté. Son corps désarticulé valsa le long de la coursive. Du sang jaillit de son visage : une plaie béante courrait du front à la pommette. Le corps s’immobilisa enfin, aux pieds d’Aron. Leurs regards se croisèrent. - Un fiasco… Ça ne devait pas se passer comme ça, murmura-t-il avant de sombrer dans l’inconscience. Le moteur se mit automatiquement en action. Le tube orange vogua sur les eaux tumultueuses, se frayant un passage dans le magma visqueux que régurgitait la plate-forme détruite.

Le roman existe en version papier véritable... et au format Kindle.

Format du livre : 13x20cm Nombre de pages : 216 ISBN : 978-2-84750-269-5 EAN : 9782847502695

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